Les premiers invités peuvent entrer tant que leur visage est masqué. On entend déjà le froissement des robes se mêler au crépitement des projecteurs qui illuminent le Colisée. Au centre de celui-ci, la piste a été aménagée de sorte de pouvoir accueillir des danseurs. Des centaines de milliers de victuailles sont disposées sur d'immenses buffets tout autour de la piste afin que les invités puissent se sustenter. La musique commence déjà à résonner contre les gradins, hurlée par des centaines de haut-parleurs afin de pouvoir être entendue par tous.

A l'entrée, plusieurs majordomes ont défait les invités de leurs affaires qui pouvaient les gêner pendant la soirée pour les disposer dans des vestiaires prévus à cet effet. Des serveurs circulent sur la piste entre deux musiques pour abreuver et nourrir les invités. La foule s'amasse bientôt sur la piste pour profiter de cette soirée. Car la plupart d'entre eux sont allés à la messe ce matin pour être sûr d'arriver à l'heure ce soir.
Et malheur à ceux qui ne sont pas allés à la messe du tout.

Marie s'était rendue à la messe de ce matin, avant d'aller au travail. Elle avait entendu le discours du Pape et rempli son devoir de fidèle. Elle sortait à l'instant de chez elle, épuisée par sa journée plus dure qu'à l'ordinaire. Alicia Alvey avait fini par lui envoyer les acolytes de leur dernière victime en date, et aucun d'eux n'avaient voulu se montrer coopératif. Ainsi, malgré tous ses efforts, l'un d'eux avait rendu l'âme sous les coups du fouet. Quel dommage, il avait une très belle gueule et elle avait été obligée de l’abîmer.

Ce fut sans son fouet que Marie sortit ce soir. A l'occasion le Pape avait organisé un grand bal masqué dans le Colisée et elle avait tout de suite eu envie d'y aller. Bien entendu personne pour l'accompagner, mais après tout dans ce genre d'événements, personne n'était sensé se connaître. Vêtue d'une longue robe aux teintes oranges et dorées, rappelant la fête païenne qui avait eu lieu la veille, Marie avait revêtu un masque qui lui couvrait principalement le haut du visage, laissant sa bouche libre pour causer et bouffer des petits fours.

Elle laissa sa veste aux majordomes et, bras nus, pénétra dans le Colisée. L'ambiance était déjà très remontée et beaucoup de gens s'adonnaient déjà aux festivités. Voilà un événement qu'elle ne voulait assurément pas manquer.

« C'est l'heure, mes amours. »

Lara, Hailey, Darwin et Ossian relevèrent la tête d'un même mouvement. Les deux demoiselles, fièrement accoutrées, saisirent aussitôt le bras de leur confrère masculin dont une troisième jeune femme, Amber, terminait le costume à l'aide de deux nœuds papillon. Finn termina sa cigarette avant de donner son bras à Amber. Le petit groupe prit ainsi le chemin du Colisée où se tenait ce grand bal dont on entendait parler dans tous les coins de rue.

Ils passèrent devant un homme qui tirait vraiment une sale tête, comme quelqu'un qui aurait obligé ici et qui ne se sentait pas réellement à sa place. Finn lui adressa un sourire compatissant l'air de dire ''moi non plus je ne suis pas à ma place, gars'' puis pénétra dans le Colisée avant qu'on ne le reconnaisse. Là, il lâcha Amber qui disparut dans la foule.

« Allez-y. » dit-il simplement aux autres.

Lui-même s'appuya contre le mur, avant de voir passer une jolie demoiselle aux longs cheveux blonds à qui il tendit doucement son bras.

« Puis-je vous offrir cette danse, madame ? » demanda-t-il, l'air de rien.

Du coin de l’œil, il aperçut Lara se rapprocher dangereusement de la table armée de sa maladresse surjouée.

Marie pouffa. Impossible de rater son comparse Conrad avec cet accoutrement ! Un sourire aux lèvres, une coupe de champagne à la main, elle se dirigea vers lui.

« Ca alors, Conrad, vous auriez pu faire un effort pour votre costume. On vous reconnaît de loin ! Ceci dit je trouve votre maquillage très réussi. »

Elle lui adressa un clin d’œil qu'il ne vit certainement pas sous son masque avant de pencher la tête en arrière, terminant ainsi d'une seule lampée bestiale le vin italien qui s'y trouvait. Posant la coupe sur un plateau qui passait par là, elle eut un regard compatissant vers l'entrée du Colisée.

« Vous avez croisé Monsieur Raves à l'entrée ? Le pauvre...Mais il fallait bien que ça tombe sur quelqu'un ! »

Ses cheveux ondulèrent avec le haussement de ses épaules. Elle n'ajouta rien, mais aurait préféré que ça tombe sur elle, elle n'aurait ainsi pas été obligée de quitter son fouet et de s'habiller en fille. Tout à coup, un bruit assourdissant, mêlé de verre et de nourriture, retentit non loin d'eux. Une des tables accueillant le buffet s'écrasa sur le sol tandis que les mets repeignaient le sol du Colisée. La coupable, rouge de honte, se hâta de se cacher dans la foule tandis que les différents serveurs accouraient pour tout remettre en ordre. Marie se contenta de soupirer.

Quand un homme à l’œil masqué lui demanda sa main pour la prochaine danse, elle se détourna de lui.

« Vous voyez bien que je suis déjà accompagnée ! »

Marie détestait danser.

Ce soir, Lou était seule. Lhaar avait décidé d'aller vagabonder elle ne savait même pas où, et elle ne voulait de toute façon même pas savoir où elle était, au risque de finir morte d'inquiétude tant sa compagne avait un don pour toujours se retrouver mêlée à des entreprises rocambolesques. C'est ainsi que la jeune femme détective se retrouvait vautrée sur le canapé de leur vaste logement, plongée dans le noir, et les yeux rivés sur la télévision qui... retransmettait en boucle la bonne parole du Pape. Après tout, c'était jour de célébrations religieuses. Lou soupira et éteignit l'écran de télévision d'un coup de télécommande, avant de laisser son regard divaguer sur les murs de leur appartement et... se poser sur une robe de soirée que Lhaar l'avait convaincue d'acheter. À partir de là une idée lui vint. Et si, plutôt que de rester seule à se morfondre, elle allait s'amuser, et tant pis pour Lhaar, elle n'avait qu'à être là ?

C'est ainsi que Lou se retrouva en chemin pour le Colisée, où était organisé un bal masqué. Pour l'occasion, elle était vêtue d'une tenue de gala bien loin de ce qu'elle avait l'habitude de porter, et un masque de papillon aux ailes d'ébène lui masquait le haut du visage. Ce n'était pas désagréable, et c'est plutôt fière d'elle qu'elle passa la porte du large bâtiment et s'engouffra bientôt au milieu des fêtards du soir.

Toutefois, elle n'était là que depuis quelques minutes quand un événement imprévu vint déjà perturber la soirée. Une maladroite, qu'elle avait brièvement aperçue et dont le profil serait de ce fait gravé à jamais dans sa mémoire, venait de renverser l'une des tables du buffet, provoquant une certaine agitation et un certain désordre au milieu des invités. Un verre d'un cocktail qu'elle ne connaissait pas à la main, Lou fronça les sourcils alors que son regard balayait la foule, dans un réflexe de policière.

Quelque chose lui intimait que la soirée n'allait peut-être pas être si calme que cela, au final.